mardi 23 juin 2009

Yönapot faciles

Je dis souvent qu'il faut respecter, voire craindre, la moindre distance au-dessus de trois kilomètres. Il nous restait un petit trente sur le plat à grignoter pour arriver à Budapest et malgré notre grande sagesse (euh…), il faut admettre que nous l'avions fichtrement négligé. Nous partons sans trop étudier la carte (c'est de la ligne droite, non ?), sous une pluie d'abord vaporeuse, puis abondante et bientôt torrentielle. Tout va bien pour les deux premiers tiers. Nous entrons dans la trace de break banlieusarde de Budapest. Je suis rêveur et gaffeur d'ordinaire, mais ce matin, ça bat des records. En replaçant un gugusse sur mon guidon, je me prends de front une voiture stationnée. C'est la première chute du jour, mais pas la dernière.

Petite pause café pour laisser passer les précipitations violentes. Nous sommes assis sur le bord du Danube, devant un bac qui s'active pendant une heure à transporter piétons et véhicules de toutes sortes. Jamais l'idée ne me prend de consulter ma carte. La piste cyclable, en fait, se termine ici et emprunte ce bac pour aller zigzaguer dans un parc naturel de l'autre côté, parmi les oiseaux et les fleurs, sous couvert de grands arbres. Mais nous, euh… Nous allons plutôt continuer dans cette Suburbia version Est — c'est-à-dire la mêêême chose ! —, glissant de centres commerciaux en rangées de bungalows aux styles incompatibles et pompiers, avant de nous voir jetés pieds et poings liés dans la mêlée des autos tamponneuses et des fardiers balourds sur l'autoroute secondaire de la capitale, la terrible « 2 ».

Des Hongrois bien intentionnés nous pointent le Danube en gesticulant. Nous tentons de rejoindre une hypothétique piste cyclable en prenant chemins de côté et routes de service, en vain. Nous nous retrouvons sur un vague sentier détrempé. Au moins, ça ne sent pas la mort par écrabouillage. Nous relaxons un peu, malgré la pluie. C'est là que je glisse dans une ornière saillante ; les roues se mettent en travers, je sens mon poids qui bascule et floc ! Je suis étendu dans les herbes détrempées, la Gaxuxa est toute à l'envers dans la boue, les sacoches ici et là. Vincent me file un coup de main et on repart en rigolant. Juste quand je me dis qu'on a le moral et que c'est ça qui compte, hop ! Je dérape encore, c'est pareil, cette fois je termine debout, mais la Gaxuche a encore l'air folle avec ses pattes emmêlées et ses cornes de traviole. Une attache de sacoche a lâché. Je devrai réparer plus tard, je fixe pour le mieux dans l'urgence, après tout, il ne reste que sept km.

Notre petit chemin s'avère un piège de clôtures et de murs, duquel nous devons nous évader en déchargeant les vélos afin de les soulever au-dessus d'une barrière, tout ça sous les trombes diluviennes. Miracle, une piste cyclable existe bel et bien à cet endroit. C'est un accotement glorifié de la même « 2 ». Vacarme, poussière, échappements. Miam. Nous arrivons au cœur saignant de la métropole hongroise, qu'une armée d'États-Uniens en cravates semble avoir désossée pour la transformer en Edmonton à racines. On dirait que seule la très vieille partie de la cité ait gardé quelques vieilles pierres. Par chance, c'est là que sont sises les auberges de pauvres et c'est là que nous allons tenter de passer quelques jours. Malgré notre affection pour la ville, nous qui sommes tous deux fils du ciment, il faut admettre l'apparition désormais de plus en plus pressante de l'appel des bois. La forêt a une dimension tellement plus humaine que l'habitat des humains. Comme si la ville de ce siècle se suffisait à elle même et ne tentait plus d'y accueillir que sa propre pérennité minérale et sans vie.

1 commentaires:

Mek a dit…

Nous le sommes, en ce moment, j'ai l'impression, n'importe où hors du monde…